Ce n’est pas clair si c’est l’amour ou l’orgueil qui nous a menés à parcourir en ski de fond 500 kilomètres dans un des territoires les plus isolés et hostiles que compte le Québec.

À l’été 2017 à Natashquan, Nicolas fanfaronne devant une jolie fille qu’il vient tout juste de rencontrer: Éloïse. Ils boivent un verre dans un café face à la mer à Natashquan. Sur le mur à côté d’eux est accrochée une carte de la Côte-Nord. Pour l’impressionner, Nicolas indique un point situé à l’extrême nord-est de la carte, s'exclamant : « un jour j’irai jusqu’à Blanc-Sablon en ski de fond ». Sans se laisser impressionner, Éloïse le questionne sur la façon qu'il s'y prendrait. Fier de lui, le torse bien bombé, Nicolas explique que pendant deux à trois mois l'hiver, les lacs   et les rivières de la Basse-Côte-Nord gèlent pour former une route de neige empruntée par les résidents de la   région. Cette route s'appelle la route blanche. C'est cette route qu'il voudrait  emprunter.  Sans  hésiter  une seconde, sans même ne jamais avoir fait de ski de fond, Éloïse lance à Nicolas, avec un drôle d’éclat dans le fond des yeux : « je viens avec toi ».

Cinq mois plus tard, un matin de mars, nous nous tenions tous les deux sur nos skis, devant  une  plaine enneigée écrasée par un vent glacial. Nous nous tenions là comme au bord d’un précipice, un panneau au- dessus de nos têtes indiquant le début de la route blanche. Nous nous apprêtions ce matin-là, à entamer une expédition de plusieurs jours dans un paysage austère et glacé, terrain de jeu de loups et parfois d'ours blancs descendus du Labrador.

Avant même d’avoir commencé, nous étions déjà épuisés par les longs préparatifs, les dernières nuits de frénésie et les entrainements. Éloïse avait dû apprendre en moins de trois mois, les techniques de ski de fond hors-piste, chargée, comme si ce n'était pas assez, d'un traineau particulièrement lourd. Bien qu'habituée aux longues expéditions de cyclisme et de randonnée pédestre, le défi restait de taille pour elle. De son côté, Nicolas ressentait le devoir de s'assurer qu'Éloïse puisse mener à bien l'expédition, malgré le froid mordant.

En quittant le village de Kegaska, s'enfonçant pour de bon sur la route blanche, déjà plusieurs motoneiges   nous dépassaient en nous saluant. À l'arrière d'une d'entre-elles, une vieille Innue nous avait même fait un  signe de croix dans les airs, comme pour nous bénir, pour nous supporter et sans doute, pour nous donner du courage, avec l'assurance de celle qui sait ce qui nous attend.

Rapidement, l'élan du départ s'était fait freiner par la qualité de la neige sous nos skis. La neige  avait l'apparence du gros sel, amenée à cet état par les forts vents des derniers jours et une chaleur inhabituelle pour la saison. Nos traineaux, très lourds, au lieu de glisser sur la neige, s'enfonçaient, rendant notre progression difficile. Cette neige et bientôt, le vent constamment en plein visage, avait raison de nous, ne nous laissant aucun répit. En calculant l'itinéraire, nous avions réalisé que nous avancions beaucoup moins rapidement que prévu. Traverser un lac pouvait prendre de deux à trois heures, parcourir les portages; une heure. Nous allions devoir revoir l’ensemble de notre plan pour la suite, allongeant de plusieurs jours notre périple.

Après la première journée de huit heures, nous avions monté notre tente en silence, complètement exténués. Le soleil amorçait déjà lentement sa descente derrière les montages et avec lui, la température. Une fois au chaud, après avoir fait un feu, après nous être changés dans nos combines hautes densités, après avoir fait fondre la neige pour remplir nos gourdes, nous commencions seulement nos préparatifs du souper. Pour Nicolas, c'est le moment le plus important de la journée, ce qui le garde motivé dans les instants plus difficiles, ce qui le fait avancer malgré les ampoules et le froid: la promesse d'un repas chaud. Ce soir-là, une mauvaise nouvelle l'attendait: notre bruleur ne fonctionnait plus. Pendant près d’une heure, nous avons mis tout en œuvre pour trouver une solution avant d’admettre finalement notre échec et de cuisiner sur le feu. Trop affamés, nous avions mangé des pâtes à moitié réhydratées dans une sauce tiède. Rien pour remonter le moral de Nicolas.

Rapidement, d'une soirée à l'autre, nous avions développé une routine presque militaire pour être le plus efficaces et rapides possible. Nous avions commandé la pièce brisée de notre bruleur et l'avions fait livrer dans un village sur notre route, mais l'isolement des communautés de la Basse-Côte-Nord nous forcerait à patienter près de trois semaines avant de recevoir la pièce. Nous allions dépendre d'un feu pour cuisiner et faire fondre la neige, une charge de travail additionnelle à nos journées déjà longues et éreintantes.

Nous arrivions tout de même à profiter des soirées à la belle étoile, bien habillée, étendue dans la neige à observer le ciel avec un chocolat chaud. Nous nous endormions souvent avant 21h et nous nous réveillions à l'aube, le visage froid, mais protégé par une cagoule. Éloïse faisait tout pour éterniser ce dernier moment de chaleur, en déjeunant, couchée dans son sac de couchage, avant de s'habiller en hâte, dans le froid glacial du matin.

Les journées progressaient de plus en plus difficilement. Le vent s'était levé pour de bon et ne semblait pas vouloir changer de direction. Il semblait même se faire de plus en plus violent. Tellement qu'un après-midi, la neige s'était mise de la partie, rendant la visibilité particulièrement difficile. Inquiets, nous nous étions arrêtés pour la nuit, nous avions sécurisé nos traineaux en vue d'un éventuel blizzard. Après seulement quelques minutes, bien à l'abri dans les refuges de sécurité construits tout au long de la route, quelqu'un cogna à la porte. Un homme costaud, saupoudré de neige, était entré pour se réchauffer auprès du feu que nous venions de partir. Ce ne sera pas le seul motoneigiste qui s'arrêtera ce soir-là pour prendre un répit de la tempête. C'est lui qui nous annonça qu'un blizzard arrivait, qu'il durerait peut-être quelques jours et que nous ferions mieux de rester ici. Il avait eu raison, le matin, en nous réveillant, nos sacs de couchage étaient ensevelis sous la neige qui était entrée toute la nuit par un interstice dans la porte mal isolée et cette porte était maintenant complètement gelée, en raison de la chaleur à l'intérieur et du froid de l'extérieur. Nous étions pris au piège.

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