Nos déchets sont en train de nous enfouir. Certaines villes – comme Singapour – n’auront bientôt plus de place pour leurs dépotoirs (on parle de 2035), et même les efforts que nous faisons pour recycler ou réutiliser sont vains : il vaut mieux aujourd’hui se pencher sur d’autres « R », le refus de ce dont on peut se passer, et la réduction de nos besoins. Chaque fois que je mets les pieds dans un dépotoir, je suis sans mots : tous nos petits déchets mis ensemble s’accumulent dans des océans d’ordures, des montagnes de rebuts… C’est étourdissant, et un rien déprimant. J’ai été invité à réaliser cinq épisodes d’une série documentaire pour la chaîne TV5. Il s’agit d’explorer 5 villes du monde pour voir comment on y gère l’immense quantité d’ordures produite par notre espèce. Laissez-moi vous partager l’envers du décor de l’émission Espèce d’ordures.
Par Arnaud Bouquet
Réalisateur, scénariste et directeur photo
Avec mes collègues sur la série, nous nous abstenons de faire la morale car nous ne sommes pas irréprochables, loin de là. En fait, bien que je sois conscientisé au problème, j’ai moi-même beaucoup de mal à changer mes comportements. Et c’est ça le plus inquiétant. Notre premier tournage nous a conduit 5 jours à Rio de Janeiro au Brésil. Nous sommes partis avec une recherche qui se prépare plusieurs semaines à l’avance. Pour cet épisode, nous avons ainsi traité de ce qui caractérise la ville de Rio : l’organisation informelle du recyclage qui incombe à une masse de citoyens très pauvres, misérables même, qui survivent grâce à ça, et qu’on appelle de façon un peu méprisante les « catadores », c’est-à-dire les « charognards ». Ces gens travaillent souvent en famille dans la rue, recycleurs de génération en génération, ils sont tout en bas de l’échelle sociale, effectuant pourtant une tâche essentielle pour la société et pour la planète! Dans le contexte de pollution mondiale, ce sont des héros, des héroïnes, pourtant perçus par certains comme les déchets qu’ils ramassent. Heureusement, les choses changent doucement, et des syndicats se mettent en place pour unir ces travailleurs et ces travailleuses afin qu’ils soient reconnus par le pouvoir et le patronat.
Des rencontres formidables
Nous avons aussi fait la rencontre d’autres personnes formidables qui apparaîtront dans le documentaire. Comme ces amateurs de bodyboard qui nettoient la plage de Sao Conrado, une des plus belles de la ville, mais qui se trouve asphyxiée par les déchets plastiques : on trouve même de plus en plus de tortues marines échouées sur le sable, étouffées par du plastique ingéré en mer. Ou encore ce fanatique de kitesurf qui fabrique des manteaux à partir des vieilles toiles de nylon usées. En effet, une toile de kitesurf est utilisée 300 heures, mais le nylon qui la constitue mettra lui 350 ans à se décomposer lorsqu’on la jette… D’où son idée de upcycling – surcyclage – en fabriquant des manteaux coupe-vent à partir des toiles. Dans une entrevue, il nous rappelle que l’industrie la plus polluante au monde est celle des vêtements, que la fast-fashion est une catastrophe. Son ADN à lui : la slow-fashion dont il se fait l’apôtre. Ambassadeur d’une marque comme Chlorophylle, cela m’interpelle, bien entendu. Et c’est en choisissant quelques morceaux seulement pour leur solidité, leur fiabilité, et leur véritable utilité que je pense à ma valise de tournage.
Voyager dans le temps, plonger dans les souvenirs.
Parlant de Rio, et pour quitter un instant le tournage, chaque déplacement dans cette ville est pour moi un voyage dans le temps. À peine âgé de 20 ans, j’y ai vécu une histoire passionnelle avec une Carioca du prénom de Sabrina, mais aussi avec cette cité merveilleuse à la culture très forte. J’ai sué des nuits sur un dictionnaire de portugais pour écrire des lettres d’amour enflammées. Mais c’est en fait un pays et son histoire qui me rentraient dans le cœur. Ça m’est arrivé à deux autres reprises, trois si j’inclus le Québec, un vrai coup de foudre, où je me suis installé à l’âge de 21 ans après avoir quitté la France. Il y a des pays comme ça qui occupent une place particulière dans nos vies, qui balisent notre existence, dans mon cas : le Brésil et le Québec donc, mais aussi le Cambodge et la Palestine. Des lieux qui nous forgent, des gens qui nous bâtissent. Ces pays, je les conseillerais à n’importe qui aimant le voyage, l’aventure, les fortes rencontres humaines.
Belle Rio
Dans le domaine des arts et de la culture, Rio NE laisse pas sa place. Car cette ville transpire la culture, qu’il s’agisse de danse et de musique bien entendu, mais aussi de théâtre et de cinéma. C’est comme ça que je l’ai rencontrée, grâce à une initiative qui mettait alors en contact des jeunes du monde entier pour concevoir un court-métrage. Une autre passion – celle de l’image - qui ne m’a jamais quitté.
Cette même passion qui me ramène donc à Rio pour parler d’un aspect moins glamour, celui de ses déchets. Mais où l’art et la culture se sont quand même faufilés : nous avons aussi tourné une séquence de l’épisode dans les coulisses du carnaval de Rio. En effet, l’école de Samba de Grande Rio a gagné le carnaval en 2022 grâce à un char allégorique et des costumes inspirés de la vie des « catadores », des « charognards »! Un hommage merveilleux pensé par les directeurs artistiques de cette école, qui ont imposé à leur équipe l’utilisation de produits recyclés pour bâtir chars et costumes. Une façon là-aussi de réveiller les autorités provinciales et nationales sur la nécessité de mieux financer le recyclage et la gestion des déchets.
Vous avez aimé plonger dans l’envers du décor de l’émission Espèce d’ordures? Gardez l’œil ouvert car je vous raconterai d’autres anecdotes de tournage dans un prochain article.
Voyez l'émission sur Rio.
Voyez la bande-annonce de la série.
En savoir plus sur la série Espèces d’ordures.
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