La Minganie, située dans la région de la Côte-Nord au Québec, est un lieu de découvertes culinaires parmi les plus délicieuses et les plus uniques de la province. Des fruits de mer frais, il y en a pour tous les goûts en Minganie. Notre ambassadeur, le chef Clément Boivin a créé plusieurs plats gastronomiques pendant un séjour là-bas, et nous partage aussi de belles découvertes culinaires qui emmèneront les épicuriens à saliver et surtout, avoir envie d’ajouter cette destination à leur prochaine vacances.
Mai 2023, le printemps se ramène d’un coup sec cette année. Tellement sec que la saison des feux de forêt est arrivée plus tôt elle aussi. J’en suis à planifier le départ pour la pourvoirie située en Minganie, à 1200 kilomètres d’où je suis, à Montréal. Chaque année, j'essaie de rencontrer de nouveaux producteurs, artisans, pêcheurs pour offrir des menus qui sont fidèles à la région que je visite.
Improvisation et feux de forêt
C’est dans une voiture remplie comme c’est presque pas permis qu’on part mon partenaire Julien et moi vers la Côte-Nord. Le pont qui relie la Minganie au reste du monde est fermé pour rénovation d’urgence. On a ouï-dire que des gens aident certains citoyens à faire la traversée en zodiac. Les feux de forêt font rage à Franquelin, la route 138 est fermée à toute circulation et la ville de Sept-Îles vient d’évacuer 5000 de ses habitants. Notre début d’aventure a lieu dans une atmosphère intéressante quoiqu’ayant un peu des allures de fin du monde. Un détour vers le Saguenay s’impose pour laisser un peu le temps défiler et nous sommes reçus à la boutique Chlorophylle. Sensible à nos enjeux et surtout conscient de notre mission, nous repartons avec des vêtements étanches, solides et respirants pour nous permettre de rester au sec dans ce qui s’annonce une aventure un peu plus compliquée que prévu…
Nous arrivons finalement à Longue-Pointe-de-Mingan quelques heures plus tard. Nous avons dû traverser cet ancien aéroport militaire désaffecté pour rejoindre les chemins de terre battue qui longent les bleuetières et nous mènent au camp, notre destination finale. Une fois sur place, nous déchargeons, nous installons, puis nous commençons à cuisiner.
Du flétan et des pétoncles en coquilles
Ensuite, nous nous rendons au Havre Saint-Pierre pour visiter la poissonnerie, qui est également une usine de fruits de mer. Il est important de souligner qu'il existe de nombreuses usines de transformation de poissons et de fruits de mer dans la région, et il faut arriver au bon moment, car la plupart du temps, elles n'ont pas de comptoir de vente pour les particuliers. La plupart de leurs produits sont vendus et exportés à l'étranger. Heureusement, au début, nous avons pu obtenir du flétan local. Quelques jours plus tard, le téléphone sonne enfin, pour nous annoncer l’arrivée des pétoncles en coquilles. C'est curieux de voir la surprise chez les gens quand nous insistons pour les avoir bruts, non nettoyés. En effet, la gonade de pétoncle, bien orangée, est délicieuse à cuisiner. De plus, la coquille est intéressante à utiliser pour les présentations, et j'ai toujours rêvé de créer des ustensiles avec elle... à suivre.
John, l’ostréiculteur et son projet d’huîtres locales
C’est un peu par hasard que je tombe sur John, ostréiculteur sur l'île d’Anticosti, une de mes premières rencontres faites en Minganie. Ancien maire de Port-Menier, il me confie quel est son projet de retraite qui l’occupe depuis 5 ans déjà. En effet, après de nombreux tests rigoureux, il va commercialiser pour la première fois des huîtres d’élevage. Mais quelle belle retraite! Il a envie de faire cette petite production pour les gens de sa communauté et les amoureux du terroir qui visitent la grande île. Il vise peut-être aussi d’offrir ses précieuses coquilles aux poissonneries de la Côte-nord, pour ceux que ça intéresserait. Il me confie qu’elles seraient probablement à point au 20 juin, à mi-parcours de ma visite en Minganie. Je suis surpris du timing incroyable! Il faut savoir que les huîtres, ce sont la représentation même d’un terroir à mes yeux. Après tout, elles grandissent en filtrant l’eau de mer pour se nourrir, dans ce cas-ci, une île reculée du monde, en tout cas du mien… Évidemment je tombe en amour avec son produit, première promesse d’une longue épopée culinaire qui durera 45 jours, du premier café le matin au dernier dessert le soir.
Le bar rayé et sa chair savoureuse
Au fil des jours, nous enchaînons les plats, matin, midi et soir. Des essais, des erreurs, des surprises, et bien sûr, les aléas du réfrigérateur au propane qui parfois nous joue de vilains tours. Mais quelle exploration! La pêche n'est pas trop bonne cette année, nous dit-on. Jocelyn, alias Tintin, homme à tout faire de la pourvoirie, qui connaît les secrets de la rivière Saint-Jean, marmonne "il y a trop d'eau, trop tôt", ce qui signifie que les saumons seraient déjà remontés au saut de la rivière, soit environ 60 milles plus haut. Nous redoublons donc d'efforts pour que nos invités passent un séjour inoubliable et trouvent néanmoins réconfort dans les plats servis.
C’est finalement le bar rayé, un poisson que l'on trouve de plus en plus à l'embouchure de la rivière Saint-Jean et du golfe, qui deviendra la vedette de notre cuisine. Ce poisson vigoureux, abondant, gras et franchement savoureux, est pourtant très peu apprécié des locaux là-bas. Il a la réputation de manger les alevins et tacons de saumon. Le saumon est roi ici, et il n'était pas rare que si notre pêche était moins bonne, nos amis du coin nous laissaient leurs prises. Le bar rayé est venu sauver les meubles, et je lui voue maintenant un respect particulier.
Pêcher l’oursin
Il y a des croisières organisées sur les îles Mingan, notamment sur l'île nue, où les monolithes de roche sédimentaire côtoient les landes. C'est un vaste territoire sans arbres où une espèce de forêt miniature composée de lichens et de plantes indigènes peuple la majeure partie du centre de l'île. Les vagues, les galets, les rochers: tout est magnifique. Harold, le capitaine du bateau qui nous mène à l'île, nous apprend à pêcher l'oursin avec une moppe dans une eau peu profonde en bordure du quai. Nous laissons les invités partir d'un côté, tandis que Julien, Esteban, un de nos collaborateurs dans le projet Cuisine libre, et moi marchons vers l'autre pour organiser un pique-nique sur les rochers. Ces rochers qui serviront de plats ou de mobilier face à la mer. Oursins, bourgots, et enfin, les huîtres d'Anticosti qui sont arrivées quelques jours auparavant composeront notre menu.
Une chance inouïe: déguster la crevette de roche
Il y a des moments de surprise dans tout voyage, parfois presque magiques. J'ai rencontré un collègue d'Harold, le marin, au retour de la croisière sur les îles, qui m'a mis en contact avec un pêcheur à Longue-Pointe de Mingan. La plupart des bateaux de pêche commerciaux ont été rachetés par la communauté Innue. Une rencontre extraordinaire au quai de Mingan après une miraculeuse pêche au maquereau. Un bateau revient au quai et je rencontre enfin le dit pêcheur. Il pêchait le concombre de mer, et dans sa drague, restaient souvent pris ce qu'il appelait "des scampis". Son origine Innue lui donne évidemment le droit acquis de garder ce qu'il veut pour sa consommation personnelle. J'ai donc fait la découverte, après quelques recherches, de la crevette de roche du Saint-Laurent. Une crevette qui, lorsqu'elle est mangée crue est très sucrée et un peu plus grosse que la crevette nordique. J'apprends qu'il a déjà été envisagé de commercialiser cette espèce localement, et je souhaite que cette initiative puisse voir le jour à nouveau.
En conclusion
La richesse de mes découvertes culinaires en Minganie témoigne de la diversité et de la générosité des eaux de notre territoire. Du flétan d’Havre Saint-Pierre aux pétoncles en coquilles brutes, des huîtres d’élevage de John au bar rayé à la chair savoureuse, j’ai aussi appris à pêcher l’oursin et eu la chance de déguster la crevette nordique grâce au pêcheur Ilnu Harold. Chaque fois, les saveurs authentiques et locales relèvent immanquablement l’expérience gastronomique. C’est un privilège pour moi d’honorer les produits de chez nous puis d’éveiller les sens grâce à mon projet Cuisine libre.
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